Ce jour-là, c’était l’anniversaire de Kamiah Smalls. L’américaine arrivée cet été à Villeneuve fêtait ses 25 ans. Mais le gâteau, les bougies et les félicitations de ses coéquipières, elle aussi les aurait mérité. Le 11 avril dernier, Maïa Hirsch a été draftée en 12e position par les Lynx de Minnesota. A 19 ans, la poste 5 de l’ESBVA s’est affirmée pour sa troisième saison en LFB. Depuis novembre, elle n’a manqué qu’un match de LFB et a pris part à l’épopée en Eurocup de son équipe. Celle qui a commencé le basket à 3 ans devra cependant patienter encore une saison pour réaliser son rêve américain. Elle revient sur la signification de cette draft, son parcours et la fin de saison palpitante qui l’attend avec l’ESBVA.
Vos coéquipières vous ont un peu chambré ?
(Rires) Pas tant que ça ! Les filles ont été cools elles m’ont envoyé plein de messages de soutien. Bon un petit peu quand même quand j’y réfléchis mais non ce ne sont que des messages positifs de l’entourage, même de gens que je ne connais pas forcément. Ça fait plaisir. Mais je réalise pas trop encore, tant que j’aurais pas mis les pieds là-bas je ne réaliserai pas à 100%.
Comment vous avez appris la nouvelle ?
Devant la télé avec mon agent et une copine à moi Eloïse qui joue ici (Eloïse Pavrette ndlr). Ce n’était pas forcément prévu que ça se passe comme ça. Au départ je devais regarder tranquille chez moi, voir ce qui se passe (sourire). Et puis au dernier moment mon agent m’appelle et me dit que ça serait bien qu’on le regarde ensemble. J’ai senti que les choses allaient s’accélérer et que ça allait être sérieux.
Vous vous attendiez à une draft aussi tôt ?
Pas vraiment. On ne se jamais à quoi s’attendre avec la draft. Je savais qu’il y avait une possibilité mais ce n’était pas sur à 100%. Sur le moment c’est stressant, à chaque fois tu attends le prochain pick, le prochain pick et quand mon nom est annoncé je bloque pendant quelques secondes et je me dis « ah : bah c’est moi ! » ! Ils parlent de moi !
Quel est le premier sentiment ?
De la joie et de la fierté. J’ai pensé tout de suite à mes parents à ce moment-là. J’avais qu’une envie c’était de les appeler et qu’ils soient là. Tu ne te rends pas forcément compte de ce qui t’arrive. C’est un trop plein d’émotions mais qui est positif. Tout de suite après j’ai appelé mes parents et la première chose que je leur ai dite c’est « je suis 12e, je suis 12e » et j’ai commencé à pleurer et pleurer.
Vous pensez à ce moment-là à tous les sacrifices faits pour en arriver là ?
Bien sûr. Je sais que c’est un objectif que je me suis toujours fixé. J’en parlais avec ma mère qui est une ancienne basketteuse (LF2 dans l’entre-deux siècles) et mon père qui a été mon coach. J’avais envie de partager ça avec eux, qu’ils soient fiers de moi et qu’ils se disent qu’on a pas fait tout ça pour rien. Je suis trop contente d’être draftée. Je l’ai fait pour moi d’abord mais aussi pour mes parents.
Cette draft arrive quand même après une saison pleine de votre part en LFB et plus globalement après plusieurs saisons de constante progression ?
Oui je me suis affirmé cette saison. La draft arrive au bon moment même si ça avait été l’année prochaine ça aurait aussi été un bon moment. Là je prends plus en confiance dans l’effectif. Le début de saison a été compliqué avec les blessures, le changement de statut et le fait de changer d’équipe. Mais le coach me fait de plus en plus confiance, comme les filles. J’espère que ça va continuer et que je vais pouvoir prouver plus. Les gens vont maintenant attendre beaucoup plus de moi, vont être plus exigeants et vont plus me regarder.
Vous voyez cette draft comme une suite logique ou alors une étape de sautée, qui aurait pu être un passage dans une équipe qui joue l’Euroligue ?
Non je vois ça comme une progression logique. J’ai un profil atypique, venir jouer à Villeneuve était dans mon projet personnel avec mon agent mais aussi dans mon projet avec ma famille. On joue pas l’Euroligue cette année mais il faut se le dire on a une équipe qui aurait très bien pu jouer l’Euroligue. S’entrainer avec des filles comme ça me fait progresser de jour en jour. La suite logique après, ça peut être de jouer en Euroligue dans les meilleures équipes mais ça peut aussi être de passer par la draft WNBA. Que ce soit cette année ou l’année prochaine j’aurais fait la draft je pense.
Etre une joueuse majeure dans une grosse équipe d’Euroligue dans 3 ans, ça me va aussi !
A Villeneuve beaucoup de coéquipières sont anglophones …
C’est vrai ! On a toujours quelques bases d’anglais quand on joue au basket parce que le coach parle en anglais, je regarde tous mes films et séries en anglais. En plus je reste beaucoup avec « KB » (Kennedy Burke ndlr) et Kamiah (Smalls ndlr) donc si je veux leur parler je suis obligé de parler en anglais ! Grâce à elles j’ai pu énormément progresser et je m’en suis rendu compte lors de mes visio conférences avec Minnesota.
La WNBA était devenue un objectif ?
Oui oui je me suis fait un plan de carrière depuis que je suis en Benjamines. Je m’étais dit qu’il fallait que je fasse de la LFB, au moins une coupe d’Europe pendant 1 an et le plus tôt possible être draftée en WNBA. La WNBA ça a toujours été en rêve. Depuis que je suis petite j’ai toujours regardé tous les étés. Forcément quand tu arrives en Ligue tu te dis que ce n’est plus un rêve mais un objectif.
Minnesota vous connaissez ?
Je connais un petit peu parce que je regarde tous les matchs de WNBA. Bon la ville je ne connais pas trop, je sais qu’il y a beaucoup de lacs là-bas (rires) ! J’aimerais bien y aller cet été pour faire un tour, rencontrer les filles et le club. On verra.
Par rapport au plan de carrière, vous êtes dans les temps ?
En avance même (rires) ! Si dans deux ou trois ans je peux être dans une grosse équipe d’Euroligue et être une joueuse majeure ça me va aussi, je ne refuserais pas !
Forcément une draft va attirer de l’attention autour de vous mais confirme aussi votre potentiel. Pensez-vous à l’équipe de France ?
Bien sûr que j’y pense. Normalement j’aurais dû être dans l’effectif du groupe élargi mais je vais me faire opérer du pied en fin de saison. Mais j’ai préféré préserver ma santé parce que l’année prochaine il y a des échéances de club avec Villeneuve. Forcément c’est un objectif, avec en plus les JO à Paris l’année prochaine. Je suis française, j’ai envie de faire les équipes de France et encore plus les Jeux à Paris c’est un truc de dingue.
Prendre notre revanche contre l’ASVEL en finale de LFB
Racontez nous un peu votre parcours
Mon père a coaché à Bourges, à Mondeville. Ma mère a été basketteuse, ma grande sœur a fait du basket. J’ai fait les U15 France à Roanne. J’ai joué pendant ma deuxième année U15 en N1. Je suis partie pendant un an à l’INSEP mais ça ne m’a pas trop emballé dans le sens où j’ai besoin d’être proche de ma famille et puis j’aimais bien le fonctionnement de Roanne et le fat d’être coachée par mon père. Il savait comment me faire progresser. Je suis donc rentrée à Roanne pour faire deux ans en N1.
Après il y a eu le Covid, j’ai eu une opération et j’ai été appelée en équipe de France avant de signer mon premier contrat pro avec Charnay. Je suis passée de N1 à Ligue, physiquement la transition était super dure. Je n’étais pas prête physiquement, tu joues contre des joueuses qui sautent plus haut, qui vont plus vite, qui sont plus explosives. J’avais 17 ans c’était compliqué. Mais le coach Matthieu Chauvet m’a énormément accompagné. Grâce à lui j’ai pu passer plusieurs steps et j’ai progressé tout au long de la saison. J’ai prouvé que j’avais ma place dans cette Ligue. Villeneuve m’a ensuite contacté et puis maintenant je suis là.
Pour l’instant vous avez une progression plutôt linéaire malgré quelques blessures…
J’ai 19 ans et déjà deux opérations quand même. J’espère que là ça va être la dernière. Certes ce ne sont que des petites opérations mais ça freine toujours un petit peu la progression.
Avant tout ça il y a une belle fin de saison qui vous attend avec des playoffs en LFB. Vous sentez que Villeneuve a un coup à faire cette saison ?
On est revanchardes des deux défaites en demi-finale de Coupe de France et d’Eurocup. On a à cœur d’aller en finale de playoffs et puis on espère prendre notre revanche contre Lyon en finale pour être championnes de France. Ça serait vraiment un aboutissement.
On a une super équipe, c’est rare d’avoir une ambiance comme ça on s’entend toutes bien. On espère avoir un titre à la fin de la saison.
Propos recueillis par Thomas Palmier.