L’ESBVA-LM dispute le Final Four de l’Euroligue ce week-end en Turquie, le premier de son histoire. Propulsées dans des sphères qu’elles n’ont jamais connu, les Guerrières de Villeneuve d’Ascq ont l’ambition secrète de ramener l’Euroligue dans le Nord. Première étape avec la demi-finale contre Prague (15h).
C’est officiel, il est parti. Le youtubeur Inoxtag (7,5 millions d’abonnés) a entamé son ascension de l’Everest à 8889m au dessus du niveau de la mer. Environ deux mois de grimpe, entrecoupés par des pauses à certains camps de base. Révélé avec le jeu Fortnite, « Inox » s’est reconverti dans les défis extrêmes. Au moment de rejoindre le Népal, beaucoup doutent de son niveau et de sa légitimité à s’attaquer au plus sommet du monde. Le pote de Michou partage ce point commun avec les joueuses de l’ESBVA-LM. Le 4 octobre, jour du premier match de phase régulière, pas grand monde n’aurait misé sur un tel parcours européen pour les Guerrières de Villeneuve d’Ascq. Au réveil ce vendredi matin à Mersin au sud de la Turquie, Caroline Hériaud et ses coéquipières ne se rendent peut-être pas compte de ce qu’elles ont l’occasion d’accomplir. Pour la première fois de son histoire débutée en 1988, l’ESBVA peut atteindre la finale de l’Euroligue.
Sur le plan purement sportif, la demi-finale face à Prague (15h) est à leur portée. Ce ne serait pas un si grand exploit d’atteindre la finale. Le 17 janvier dernier lors de la phase régulière, les Villeneuvoises ont battu les Tchèques, certes déjà qualifiées, dans leur Palacium (90-81). Hormis Maïa Hirsch toujours gênée par son pied, l’ESBVA peut compter sur tout le monde. L’arme fatale Kennedy Burke, tout juste désignée MVP de la saison régulière de LFB pour la deuxième fois consécutive, sera bien là. Villeneuve aura aussi besoin d’une grande Janelle Salaun, comme depuis septembre. L’ailière internationale réalise la meilleure saison de son début de carrière et s’est affirmée comme l’une des patronnes de l’effectif. Shooteuse à sang froid, Salaun devra assumer son nouveau statut cet après-midi.
Il y a le sportif, bien sûr, et le reste. Il y a à peine cinq ans, l’ESBVA bataillait pour son maintien en LFB. Ce matin, il faut avoir en mémoire ce 17 avril 2019 et cette défaite à Nantes lors du premier match des playdowns qui entretenait le doute sur une potentielle descente. Sur le banc, déjà, un certain Rachid Méziane. Architecte de la structuration du club et de son arrivée au tout premier plan, l’Auvergnat, désigné meilleur entraîneur de LFB de la saison, est pour beaucoup dans la réussite du club nordiste. Lui va peut-être y penser, ce matin, à ce match à Nantes.
L’ESBVA s’est construit patiemment : qualification en playoffs de LFB, finale contre Lyon, retour en Euroligue et maintenant premier Final Four. Cette équipe commence à être habituée aux matchs de phase finale où l’oxygène manque, où chaque possession est choyée. C’est tout de même à se demander si la bande à Kariata Diaby est assez mature pour appréhender un tel évènement. Lors des finales LFB 2023, Villeneuve avait coulé à l’Astroballe face à l’ASVEL après avoir remporté le match 1 chez lui. L’impression que les Nordistes avaient été dépassées par un évènement un peu trop grand pour elles.
Depuis, elles ont brisé les quelques complexes restants et réalisent un parcours exceptionnel tant en championnat (1eres de la phase régulière) qu’en Euroligue. 10 ans après le Bourges de Céline Dumerc, dernier club français présent au Final 4, 20 ans après le titre de Valenciennes, les Guerrières ramènent le basket féminin français à la plus prestigieuse des tables. Le décor y est sublime, les couverts prestigieux, les fauteuils luxueux. Reste à s’assoir, sereinement, et à prendre part à ce repas savoureux. Il doit être fini, ce temps où Villeneuve était encore impressionné et presque gêné d’être là. Cette fois, elles ont bien mérité leur carton d’invitation au fil d’une saison européenne qui a pris une tout autre tournure en décembre avec 3 victoires consécutives (à Gyor, contre Salamanque et à Mersin). Pouvoir prolonger sa saison dans de telles sphères est une opportunité que certaines ne revivront peut-être pas. Une demi-finale d’Euroligue, c’est l’inconnue, ça c’est sur.
Et alors ? Cette équipe, fougueuse, impétueuse, et bourrée de talents a tout pour faire tomber Prague dans un premier temps. Ça tombe bien, il y a des joueuses dans cet effectif qui adorent quand l’air se fait plus rare et que la pression est maximale. Chacune d’entre elles a une bonne raison de laisser ses tripes sur le parquet. Arrivée en 2021, Caroline Hériaud est le témoin de l’évolution du club et veut continuer d’écrire l’histoire avec lui. Kennedy Burke veut finir sur une bonne note avant son retour aux Etats-Unis. Janelle Salaun veut poursuivre sa montée en puissance avant les JO. Il faudra se servir de l’expérience au très haut niveau des internationales. Maxuella Lisowa Mbaka, Rachid Méziane et Bethy Mununga ont vécu des matchs étouffants avec la Belgique, encore récemment face aux Etats-Unis lors du TQO.
Le légendaire « match après match » que manie d’une main de maître le coach Méziane est de circonstances. Force est de le constater. Mais en voyant la saison que réalise ce groupe, on ne peut s’empêcher de voir plus loin, de rêver. Il est quasiment certain qu’en posant les valises en Turquie, toute la petite troupe avait la finale en ligne de mire.
Qu’est-ce qu’il est enivrant ce parfum des grands matchs européens. Enivrez vous mesdames, profitez en, saoulez vous jusqu’en n’en plus pouvoir. Même de l’autre bout du continent, la France du basket vous regarde. Il vous reste deux sommets à gravir. Les plus abruptes, les plus difficiles à franchir, d’accord. Mais deux sommets, deux, avant d’atteindre le toit de l’Europe. Le week-end qui vient peut devenir historique. Ce n’est peut-être pas l’Everest mais…
Thomas Palmier