Eliminées quelques minutes plus tôt en ¼ de finale de Coupe de France par Villeneuve d’Ascq, Laëtitia Guapo et ses coéquipières de Bourges n’ont pas failli à leurs sollicitations. L’Auvergnate, qui mène une carrière à cent à l’heure enchaîne les échéances à un rythme effréné. La basketteuse de l’année 2022, coqueluche du public français, n’a pas arrêté selfies et autographes avec les spectateurs du Palacium. En retard pour prendre le bus du retour, elle n’a pas pu honorer notre demande d’entretien pour débriefer le match. Elle promet de nous appeler le lendemain. Rentrée au petit matin à Bourges, elle est pourtant fidèle au rendez-vous et nous appelle, s’excusant encore pour la veille.
Comment lui en vouloir : elle tenait à faire cet entretien et pendant une petite demi-heure elle n’a éludé aucun sujet. Il était convenu de revenir avec elle uniquement sur l’élimination à Villeneuve mais la discussion a pris une autre tournure avec cette interlocutrice passionnée, souriante et cash. L’élimination en Coupe de France donc, les JO, son nouveau statut dans le basket français, ses projets : entretien avec une joueuse et une femme ambitieuse.
WeBasket.TV : Laëtitia on a l’impression que ce début de match manqué à Villeneuve vous a mis un peu en dedans…
Laëtitia Guapo : Complètement, déjà quand tu prends 17-0 c’est compliqué. On a été menées tout le long, on ne s’est pas facilité la chose. Avec un retard comme ça, à ce niveau là et contre une équipe comme ça, c’est sûr que c’est pas jouable. On était prévenues mais je n’ai pas vraiment d’explication. C’est la loi du sport. Ça nous met une bonne petite claque pour aller chercher les deux autres échéances qui nous restent, l’Euroligue et le championnat.
Pourtant Olivier Lafargue disait s’attendre à ce début de match de Villeneuve, vous avez malgré tout été surprises ?
Surprenant entre guillemets non, on le savait. On a manqué d’adresse, elles mettaient aussi tout. L’euphorie, le fait qu’elles jouent devant leur public. Quand tu es adversaire c’est jamais facile. Quand les équipes adverses viennent jouer au Prado ça arrive beaucoup aussi. C’est une grosse équipe, on savait que ça n’allait pas être un match facile. On s’attendait peut-être pas à un début de match comme ça non plus. Savoir s’en servir et rebondir, on ne va pas épiloguer là-dessus.
Vous êtes tombées sur plus fortes ?
Oui clairement. Elles ont mérité leur victoire et ont été plus fortes que nous.
Villeneuve a aussi été porté une nouvelle fois par son duo d’américaines ce qui vous a empêché de coller au score…
Quand on court après le score, qu’il y a deux joueuses qui dominent comme ça de l’autre côté et qu’on arrive pas à les canaliser, on a beau essayé de revenir je crois à -4 ou -6 elles continuent de marquer. Même s’il y a eu une révolte quand tu démarres avec -17 c’est impossible de revenir contre une équipe de ce calibre là.
Malgré tout c’est certes une élimination mais vous n’avez pas vraiment le temps de cogiter la suite arrive très vite avec notamment Polkowice en Euroligue..
Carrément, « Polko » ça va être encore un match « do or die » (à la vie à la mort ndlr). Oui on a perdu mais il faut s’en servir. En janvier on a eu 10 matchs dans le mois. Que tu perdes ou que tu gagnes, t’es direct dans le match d’après. Là forcément ça fait chier on est éliminées de la Coupe de France. Bourges n’a pas l’habitude de ne pas jouer la finale de Coupe. Mais il faut aller chercher les deux autres compétitions que l’on a.
Pour Bourges la question de l’enchaînement des matchs et de la récupération est essentielle. Entre les matchs c’est plus de la récupération vous n’avez pas le temps de travailler ?
C’est ça c’est plus de la récupération mais tu dois quand même te pencher sur le match suivant à travailler. Mais c’est vrai que c’est une tout autre vie que ce que j’ai pu connaître durant la majorité de ma carrière. C’est hyper intéressant, tu n’as pas le temps de cogiter toute la semaine, là deux jours après tu as la chance de pouvoir te racheter. On travaille quand même mais pas de la même façon. Il n’y a pas de meilleur travail qu’une opposition directe en match. A l’entrainement on se connait vite par cœur.
Comment ça se passe pour toi cette saison, après une saison dernière de tous les records ?
Mes objectifs sont clairement d’essayer de progresser. Je suis venue à Bourges pour passer des caps, me développer en tant que joueuse et en tant que femme. Ça va être compliqué de faire mieux (rires). Je pensais déjà pas avoir autant de titres dans une vie alors dans une seule année.. C’est incroyable. Mais j’ai des objectifs personnels et collectifs. Je vise surtout Paris 2024, l’enjeu est vraiment de préparer au mieux cette échéance. J’ai prolongé trois ans à Bourges justement pour m’impliquer dans cette dynamique là, construire sur les bases sur lesquelles je travaille depuis trois ans. Je ne peux pas préparer les Jeux aussi bien qu’à Bourges, c’est un club emblématique, on a toutes les infrastructures pour préparer ça au mieux.
Les Jeux ont été un argument clé dans ta prolongation ?
Clairement, je voulais rester dans la continuité. Je ne me voyais pas déménager l’année des Jeux, changer de ce « confort » là, de reprendre des risques. Bourges joue à peu près toutes les compétitions, ça explique mon choix.
« Je ne peux pas préparer les Jeux aussi bien qu’à Bourges »
On est à un an et demi de l’échéance, comment vis-tu cette préparation olympique ?
Franchement j’essaie de tirer les enseignements de ma dernière olympiade qui avait été quand même assez compliquée. Je veux une médaille, je veux que la France soit qualifiée aux Jeux. Moi personnellement, c’est mettre toutes les chances de mon côté pour y arriver. Chaque jour un effort en plus, je me lève et me couche en pensant à ça. Tous les choix personnels que je fais, comme celui de rester à Bourges sont pris en compte dans cette visée. Après, c’est sur que dans l’équipe de France 3×3 c’est compliqué de préparer les Jeux l’été en sachant que je fais du 5×5 toute l’année. Mais j’essaie de profiter des rassemblements et des fenêtres internationales pour travailler au maximum.
Basculer à plein temps dans le 3×3 si l’opportunité se présente est quelque chose qui te plairait ?
Pour l’instant je n’ai pas d’opportunité mais je ne me ferme pas de portes non plus. Si j’ai l’occasion un jour d’être professionnelle de 3×3 j’irais au 3×3. C’est clair. J’aime vraiment trop la discipline, c’est celle qui me correspond le mieux. Je suis trop heureuse quand je joues au 3×3 et c’est la « vraie Laëti » qui joue à ce moment-là. L’état d’esprit et vraiment différent, j’adore me mettre dans le rouge.
C’est ce sentiment quand tu es au bout du lactique qui est addictif ?
C’est ça, c’est quand tu en chies vraiment. Je me mets jamais dans le rouge comme je peux le faire au 3×3, à ne plus en pouvoir. C’est trop bon quand tu es comme ça.
Tu y prend du plaisir en plus !
(Elle coupe) Ah oui oui on est sado (rires) !
Je n’osais pas le dire..
Si si tu peux le dire ! J’adore me pousser dans mes derniers retranchements.
Tu penses que ce sport et le fait que vous ne puissiez pas vous cacher, pas « tricher » fait que ça attire le public ?
Complétement. Au 5×5 quand il y a plus de monde tu peux un peu plus te « cacher ».
Comment tu fais dans les fins de matchs pour garder la lucidité nécessaire, c’est de l’instinct ?
Je pense que tu ne te poses pas la question. Ça se travaille je pense au fur et à mesure. Je sais que mes qualités physiques à la base m’aident, elles vont bien avec le 3×3. Sur les deux disciplines je suis une joueuse endurante, rapide. Quand les garçons jouaient la 3e place à la Coupe du Monde et qu’ils n’étaient que trois, tu n’as pas le choix, tu ne te poses pas la question. Tu donnes tout et advienne que pourra.
On parlait de ton statut tout à l’heure. Le fait que tu aies ce rôle un petit peu de porte drapeau du 3×3 féminin français voire même du basket féminin ce n’est pas trop lourd à porter ?
Justement j’essaie de faire super attention et de faire la part des choses dans la gestion de ma carrière. Je suis bien entourée, j’ai la tête sur les épaules. J’ai toujours eu l’habitude par exemple de faire mes études en dehors du basket mais là c’est autre chose, c’est gérer mon image etc. C’est plaisant, on se prend un petit peu au jeu. Mon objectif c’est de gérer mon image au mieux pour rendre au 3×3 le sentiment de bien-être que la discipline me procure. C’est pour ça que ça ne me dérange pas d’être l’ambassadrice du 3×3 français. J’ai envie que le 3×3 français brille, qu’il commence à se démocratiser, à avoir ce qu’il mérite. Si cette médiatisation, si ces sollicitations peuvent aider le 3×3 à être plus connu c’est avec plaisir. C’est une discipline qui en vaut la peine et qui doit continuer à évoluer de manière exponentielle.
Deux mots sur le camp que vous organisez avec Franck Séguéla cet été, un projet qui va dans ce sens de redonner à la discipline ce qu’elle vous offre à tous les deux ?
Exactement c’est continuer de développer le 3×3 et essayer de créer un vivier de joueurs et joueuses français qui fond du 3×3 et l’aider à se développer. Transmettre ce que le 3×3 nous a transmis. C’est un camp que l’on aurait voulu vivre en tant que jeunes. Faire vivre une expérience inoubliable à un petit vivier de joueurs.
« Le 3×3 est encore le low cost du basket »
Vous pouvez en plus amener vos deux réseaux respectifs pour enrichir l’expérience…
Continuer dans les valeurs du 3×3, la convivialité, la bonne ambiance. On est entourés de personnes de confiance, la famille, les amis et pouvoir proposer une immersion totale comme c’est la réalité dans cette discipline. Que ce soit en équipe de France ou ailleurs on a toujours cette vision familiale.
Pour conclure, tu es une sportive auvergnate au plus haut niveau et soutenue par la ville de Clermont-Ferrand. Tu as aussi envie de redonner un petit peu à ceux qui t’ont accompagné au départ ?
En bonne auvergnate un peu chauvine (sourire) je me suis rapproché de la ville de Clermont. Et puis Clermont a bien compris aussi l’enjeu et le fait que je ne sois pas professionnelle de 3×3. La ville m’accompagne dans ce sens-là. C’est pas simple, je n’ai aucun jour de repos, quand je finis la saison de 5×5 je pars au 3×3 mais je n’y suis pas payée. Bien sûr c’est un véritable plaisir et bonheur à chaque fois. C’est ma bouffée d’air frais. Mais le 3×3 est encore le low cost du basket. Je suis heureuse de représenter mes origines, mon village, Clermont toutes ces personnes qui m’ont formé.
Propos recueillis par Thomas Palmier.
Biesse
Merci pour l’interview et à Laetitia
Vraiment super joueuse et bonne mentalité que j’apprécie beaucoup à Bourges et j’espère que d’autres compétitions 3×3 seront retransmises pour la suivre