A 38 ans, le Français Kévin Corre est en fin de carrière. Depuis 2015, après 14 ans en 5×5 entre ProB et élite, il sillonne le World Tour 3×3. Avec l’équipe de France d’abord, puis Monaco, Nice et Jeddah depuis 2019. Cette saison, l’équipe de Jeddah dont il est aussi coach a eu du mal à enchainer les résultats. La 4e place inaugurale au Masters de Marseille n’a pas été fructifiée. Mais en tant que pays hôte de l’étape finale du circuit 2023, Jeddah a obtenu une précieuse wild card. Pour espérer rejoindre le tableau principal, Corre et ses coéquipiers devront se défaire de San Juan (Porto Rico) et… Paris ! Depuis l’Arabie Saoudite, le Manceau explique l’importance grandissante que prend le 3×3 dans le pays, quelques heures avant l’explication finale d’une saison épique.
Comment vous analysez la saison de votre équipe ?
« On a fait une saison correcte mais inégale. On a commencé fort à Marseille où on a montré tout le potentiel que l’on avait mais ensuite on s’est un peu effrités. Il a été important de remettre en avant nos valeurs et nos intentions de jeu du départ. Dans le 3×3 tu n’as pas beaucoup le droit à l’erreur. Un match de perdu, une contreperformance et dès le match suivant c’est déjà à élimination directe. Je pense notamment à ce Challenger à Lublin en Pologne où on perd contre Pékin en prolongation et où le match d’après est couperet. Pareil au Masters de Prague où on fait deux bons matchs contre Amsterdam et le Partizan mais on a été éliminés. Le niveau de jeu ces dernières années et cette année est le plus haut que j’ai pu expérimenter.
Le niveau de jeu de cette année est le plus haut que j’ai pu expérimenter
Pour une équipe comme la notre qui se regroupe six mois dans l’année sans aucune préparation, la mise en place et les repères de chacun prennent plus longtemps que six mois. On avait de grandes ambitions, j’en avais aussi en tant que coach, j’avais construit une équipe capable de jouer le haut niveau du World Tour. Mais il y a la réalité des tournois que l’on a pu jouer. On a été deux fois dans le Q-draw. Avec deux matchs de plus au premier jour, c’est pas simple d’atteindre le second. Mais bon ces Finales sont une chance supplémentaire de montrer le jeu que l’on développe.
Qu’est-ce que ça fait de jouer avec Jeddah ?
C’est une aventure incroyable de vivre une saison avec Jeddah. A la différence des autres équipes, on n’est pas basés à un endroit. On vit ensemble pendant six mois. On est cinq personnes avec des horizons, des nationalités et des religions différents. Il faut que l’on essaie de créer une mayonnaise.
Le 3×3 accélère les émotions : on peut aller très haut, mais aussi très bas et ne pas rentrer chez nous le lendemain. Quand on vit six mois ensemble on ne peut pas se cacher. C’est aussi une aventure humaine très riche et très forte. Ce n’est pas anodin.
Comment se développe le 3×3 en Arabie Saoudite ?
Je suis sélectionneur des équipes nationales et chargé du développement du 3×3 dans le pays. Il y a beaucoup de choses qui vont arriver. Un gros tournoi de 3×3 qui vient de se terminer. Il y avait un prize money d’1 million de riyals (environ 250 000€ ndlr). Ils enchainent avec ces finales mondiales et puis ils vont sans doute créer une ligue en début d’année 2024 où en tous cas pour la saison prochaine. Il y a une ligue 3×3 professionnelle qui va se faire ici. Ils misent sur le sport, ils essaient de préparer leurs équipes et faire au mieux pour les mettre dans les meilleures conditions.
Je suis l’entraineur d’un programme créé en vue des JO avec pas mal de jeunes qui ont du potentiel. Les filles seront surtout concernées parce qu’elles ont moins de visibilité sur le 5×5. L’Arabie Saoudite va continuer de se développer dans le 3×3 et va rattraper le retard qu’elle a pu concéder en Asie. J’espère pouvoir jouer prochainement avec les garçons et filles la coupe d’Asie !
Vous n’avez pas hésité à rejoindre l’Arabie Saoudite, malgré les agissements et les prises de position du gouvernement ?
De l’extérieur, on voit ce pays de manière faussée, erronée. je m’y plait beaucoup, les gens ont de belles valeurs et sont accueillants. Ce que le gouvernement fait, ce n’est pas mon quotidien. Les gens avec qui je vis, la fédération et son président avec qui je construis des choses : ce sont des gens tellement charmants et bienveillants. C’est un vrai bonheur de découvrir ça dans ma vie. J’aimerais vraiment éduquer mes enfants ici. Il y a des écoles internationales qui créent des enfants complétement différents de la France. C’est un pays dans lequel je me plaît. Moi même il y a cinq ans que j’ai signé mon contrat je ne savais vraiment pas où j’allais. Il faut le vivre pour comprendre. C’est un pays qui s’ouvre beaucoup, les choses avancent très vite. Des français me parlaient de l’affaire Khashoggi (le journaliste saoudien a été assassiné le 2 octobre 2018 à Istanbul par un commando saoudien ndlr). Ce n’est pas mon quotidien. Je respecte les choses qui se font ici. Les gens sont super nice avec moi.
Que peut-on attendre de Jeddah lors de ces Finales ?
Ça va être un plateau extrêmement relevé. On sort d’un stage en Serbie où on s’est entrainés avec des équipes serbes. C’est le haut niveau mondial. Mais Miami sera là aussi, Antwerp a fait une très belle saison, Vienne toujours en embuscade, Amsterdam… Le top 8 est juste incroyable. Ce sont des matchs à chaque fois très accrochés. Ces finales vont être beaucoup suivies en Arabie Saoudite, il y a de gros moyens mis en œuvre. Les gens qui vont venir au tournoi vont être servis, ça va être exceptionnel. Le public a toujours répondu présent, il est friand de ces évènements là parce que c’est quelque chose de nouveau pour lui. Maintenant, ça fait quatre ans que les finales sont ici donc il y a un public de connaisseurs qui s’est installé. C’est chouette de suivre l’évolution.
Le Q-draw est très relevé. Paris est en pleine bourre je pense après sa victoire à Wuxi. C’est une équipe pas facile à manœuvrer qui a récupéré Djoko et ça leur fait du bien, c’est une énergie un peu différente. San Juan on les a battus deux fois cette saison mais c’est une équipe redoutable, atypique, avec des joueurs athlétiques, avec un meneur souvent scoreur qui met des tirs à deux points (Antonio Ralat ndlr). A l’image du basket sud-américain, il n’a pas peur du tout et prend des tirs un peu fous. Ça va être un tournoi avant le tournoi qui va être super intéressant.
On a notre carte à jouer, on a un nouveau joueur qui a intégré l’effectif (le Serbe Nikola Kovacevic ndlr). Mais on restera dans ce que l’on a fait tout au long de la saison. On espère avoir l’appui du public même si le match sera un peu tôt. Si on pouvait intégrer le tournoi central ça serait une chouette récompense pour notre saison. Si on fait deux victoires et qu’on a plutôt bien joué ça peut lancer un beau tournoi. On peut rêver ! »
Propos recueillis par Thomas Palmier