Depuis 1983, le Pôle France Basket, situé au cœur du bois de Vincennes à Paris, offre un encadrement unique pour les futurs champions et championnes Françaises.
A travers ces quelques lignes et l’interview d’Emilie Raynaud, ancienne pensionnaire, plongeons au sein du dispositif sportif le plus important de l’hexagone.
Une bulle qui mène à l’excellence
L’INSEP, 7h45, un jour de semaine. Les infrastructures sportives sont encore vides mais le pôle est bel et bien réveillé. A quelques mètres de là, les futurs sportifs professionnels sont rassemblés en petits groupes : c’est l’heure des mathématiques, du français, de l’économie etc…
Centre d’entraînement et de préparation olympique et paralympique, considéré comme la référence pour les équipes de France, l’INSEP n’en délaisse pas moins les formations scolaires. Étudié et concerté avec l’athlète et son encadrement, le cursus scolaire est adapté aux besoins et aux contraintes de l’étudiant(e). Ainsi, les sportifs s’entraînent, se forment, se soignent et s’alimentent sur place.
Cette proximité quotidienne représente également un idéal pour les stages de professionnels bien connus tels que, le judoka Teddy Riner mais également la gymnaste Simone Biles ou le basketteur Donovan Mitchell.
Un chiffre est à retenir : 50% des médailles olympiques sont issues des sportifs(ves) s’entraînant à L’INSEP, signe de la grandeur et du rayonnement de ce Pôle France.
Une place parmi les 50 basketteurs du Pôle
L’entrée dans ce dispositif n’est pas chose aisée. En effet, c’est l’aboutissement de multiples détections et de sélections commencées en U13.
Chaque année à Bourges, sont réunis 36 joueurs et joueuses repérés en amont. A la suite de ces entraînements, 20 d’entre eux sont conviés à participer aux tests d’entrée, ultime marche qui les séparent de l’accession à L’INSEP.
Encadré par huit entraîneurs sous la direction de Gilles Thomas, le pôle France à vu passer des grands noms du basket comme Céline Dumerc, Sandrine Gruda, Tony Parker et plus récemment Iliana Rupert.
Le secteur du basket accueille 50 sportifs permanents, 25 jeunes filles et 25 jeunes hommes de 15 à 18 ans qui s’entraînent quotidiennement afin de participer aux différents championnats français NF1 et LF2 pour les filles.
Depuis plusieurs années, une stratégie de suivi est mise en place. Des services de récupération et de sommeil, un accompagnement mental et une préparation physique adaptée optimisent la performance.
Aussi, chaque mois, une distinction individuelle est attribuée à la meilleure joueuse du mois. Tout est mis en place pour faire de ces jeunes, les futures étoiles du basket Français.
Interview d’Emilie Raynaud pensionnaire de 2017 à 2020
Bonjour Emilie, tout d’abord, peux-tu te présenter et nous indiquer ton parcours ?
Bonjour, je m’appelle Emilie Raynaud, j’ai 20 ans. J’ai commencé le basket à l’âge de 5 ans au Limoges ABC avant de rejoindre le Pôle Limousin et donc le club de Feytiat en U15 élite. A la suite de plusieurs détections, je suis entrée à L’INSEP en 2017 pour y rester jusqu’en 2020.
A ma sortie, je suis retournée au club de Feytiat dans l’équipe première qui évoluait en NF1. Cette année, nous sommes devenues championnes de France, synonyme de montée en Ligue féminine 2.
Aujourd’hui j’ai signé officiellement au Champagne Basket Féminin (les Pétillantes de Reims) qui évolue en Ligue 2.
Tu nous as parlé de L’INSEP, comment s’organisaient tes journées là-bas ?
Nous alternions les cours et les entraînements depuis 7h45 du matin jusqu’aux environs de 19h le soir avec deux séances de basket par jour, une le midi et une en fin d’après midi. Nous finissions chaque journée par une étude obligatoire et, à l’année du bac, quelques exercices d’entraînements.
Ces horaires pouvaient varier notamment lorsque nous avions musculation, c’est-à-dire deux fois par semaine.
Aussi, en début d’année, un bilan médical est obligatoire (échographie du cœur, du genou, test isométrique, prise de sang) et un suivi est fait tout au long de la saison. Les rendez-vous chez le kiné étaient quant à eux facultatifs et à notre demande.
Certaines grandes joueuses Françaises sont issues de centres de formation divers comme c’est le cas de Marine Johannes et de Sarah Michel notamment, mais pour toi, quelle est la plus value de l’INSEP ?
Le premier avantage c’est l’infrastructure. En effet, tout est à notre disposition, l’internat, le self, la scolarité, les gymnases sont au même endroit et donc très vite accessibles à pied.
Ensuite, les cours se font à l’INSEP, ce sont les professeurs qui se déplacent pour des cours aménagés (15 heures par semaine).
Enfin, la présence de sportifs de renommés comme Teddy Riner ou Kévin Mayer fait que l’environnement est propice à la performance
Justement, l’ensemble des jeunes pensionnaires sont en contact avec les meilleurs sportifs du pays, quel est l’impact qu’ils ont eu sur toi et sur ta vision du haut niveau ?
Je dirai que la première chose que nous nous disons c’est que nous avons réussi à être au même endroit qu’eux. C’est une motivation énorme pour continuer à fournir les efforts demandés. Cela nous permet aussi de nous rendre compte de l’hygiène de vie très stricte qu’ils ont. Leur sérieux force l’admiration et ils apparaissent comme des exemples à suivre.
Teddy Riner était très demandé, mais les basketteurs et basketteuses de l’équipe de France venaient nous voir tous les ans. C’était alors l’occasion de glaner des conseils sur la gestion de la vie de sportifs, et sur la gestion de notre double projet sportif et scolaire.
Pour toi, est-ce qu’un passage au Pôle France est un gage de réussite ? Est-ce que les futurs sportifs ne rêvent pas outre mesure ?
Je pense que oui c’est un gage de réussite même si les centres de formations comme Mondeville, Lyon, ou Bourges par exemple se montrent de plus en plus professionnels.
C’est aussi un petit accomplissement personnel de se dire que nous faisons partie de ce groupe très sélectif. C’est à ce niveau que le rêve peut prendre le pas sur le travail. Il faut continuellement travailler car si nous nous reposons sur nos lauriers en voyant l’INSEP comme la finalité de l’entrée dans le monde professionnel, alors, notre progression sera bien moins importante. Dans ces cas-là, la chute peut être brutale car ces joueuses n’accèdent pas aux meilleures équipes.
Tu fais partie de la génération 2024, est-ce que l’annonce des Jeux à Paris a changé ta façon de t’entraîner ? En règle générale, est-ce que tu as remarqué une différence au sein de l’INSEP ?
Pour moi cela a été une motivation supplémentaire bien sûr mais je n’ai pas changé ma façon de m’entrainer.
Je donnais déjà tous les efforts que je pouvais sans me poser beaucoup de questions. L’équipe de France, c’est très sélectif et même si j’ai fait toutes les équipes de « France jeunes » et que cette perspective reste dans un coin de la tête, Paris 2024 n’est pas mon objectif principal.
Dans les équipes de basket il y a peut être certaines joueuses pour qui Paris 2024 est devenu un objectif majeur, mais nous travaillons tellement dur que cela n’a pas changé radicalement la façon de s’entraîner.
Le Pôle France est avant tout un tremplin individuel, est ce que les joueuses privilégient la détection individuelle au collectif de l’équipe ?
C’est vrai que le fait de jouer en NF1 et en Ligue 2 contre des joueuses qui ont beaucoup plus d’expérience que nous, réduit nos nombre de victoires. De ce fait, je pense que la plupart des joueuses dont je fais partie, doivent se montrer individuellement pour penser à l’avenir. Cela pouvait se faire au détriment du collectif oui.
Nous avions également un suivi qui nous était donné par un agent et cela à partir du moment où les clubs professionnels s’intéressent à nous.
Personnellement j’ai choisi le club de Feytiat très vite donc je n’ai pas attendu beaucoup d’autres propositions.
Pourquoi Feytiat ?
Le jeu de Feytiat m’intéressait beaucoup, c’était une super saison pour elles sans aucune défaite. Je me retrouvais dans leur jeu et je voulais vraiment me voir dans ces systèmes.
Le coach Cyril SICSIC a été également un déclencheur pour venir dans ce club. Sa réputation est l’exigence qu’il demandait sur le terrain me séduisait.
C’est vrai que ce n’est pas le championnat dans lequel on s’attend à sortir après le Pôle mais c’était vraiment un choix de ma part. Je préférais me retrouver dans un club ambitieux de NF1 avec une équipe qui me correspond. La LFB ne m’intéressait pas forcément car peu de joueuses arrivent à trouver leur place dans ces équipes. Souvent, ces filles descendent assez vite en LF2 et NF1 sans avoir eu beaucoup de temps de jeu.
Les équipes sont énormément encadrées à l’INSEP, est-ce qu’on vous prépare quand même à la sortie considérée généralement comme difficile ? Comment c’est passée ta sortie ?
C’est vrai qu’à L’INSEP tout est mis à notre disposition. Les sorties sont très encadrées et rares, c’est vraiment une bulle. Le départ définitif implique plus de responsabilités qui nous tombent vite sur la tête.
Le fait de revenir chez moi m’a aidé mais la pression dans un club n’est pas la même qu’à L’INSEP et donc les responsabilités qui en découlent changent aussi.
On nous dit au Pôle que l’après INSEP va être dure, qu’il va falloir être prête mentalement mais je pense que nous ne nous en rendions pas vraiment compte. Nous nous disions que nous sommes jeunes, que nous sommes assez grandes pour se débrouiller toute seule mais nous ne pensons pas forcément à tout donc c’est vrai que l’après INSEP est dur.
Tu as fait toutes les équipes de France jeunes, tu montes en Ligue 2 après être devenue championne de France, que peux t-on te souhaiter pour la suite ?
Pas de blessure, une belle saison à Reims et surtout que je garde cette passion pour le basket. C’est avant tout un plaisir de jouer donc vraiment que je continue de m’épanouir dans mon jeu.