Le 11 août dernier, Sylvain Sautier (34 ans) était à Belgrade en Serbie pour y disputer le Challenger 3×3 avec la team Versailles. En plein match, sur un appui, son genou se dérobe. Rupture des ligaments croisés antérieur avec lésion méniscale latérale. Tout au long de sa rééducation jusqu’à son retour sur les parquets (en 3×3 et 5×5, il est sous contrat avec ASA Souffel en N2), l’Audois va raconter son évolution physique et mentale pour revenir à son meilleur niveau.
Episode 1 : « J’entends le crack, je tombe »
La blessure et les premières heures
« Sur un drive j’ai le genou qui part. Je veux prendre un appui pour aller vers le panier. Le genou part vers l’intérieur. J’entends le crack, je tombe. Je sais que c’est mort. Je pense direct aux croisés, je prends un peu le temps de récupérer et après on me fout sur le côté. Le doc de l’orga vient regarder, faire un test. Il pense que c’est les croisés. Après il y a Cloé (Brogniet ndlr) la kiné qui était avec nous, pareil elle pensait que c’était les croisés. Sur le moment un peu de douleur mais sans plus. C’est surtout une demi-heure après quand on est passé derrière avec le mec de l’orga, une fois le match terminé.
Là j’ai eu une grosse montée de température. J’avais des sueurs froides j’étais pas bien. Je commençais vraiment à avoir mal. Après il m’ont filé un Doliprane et un anti-inflammatoire donc ça allait mieux. A partir de ce moment-là je pouvais marcher un petit peu et prendre appui dessus.
Tous les gars de l’orga, les gars de UB, les Serbes sont venus me voir en me disant « soignes toi bien ». Tout le monde s’est organisé pour que le lendemain je passe des examens, une radio et un IRM, sans attendre. Je les remercie vraiment beaucoup. Tu n’es pas chez toi, pas dans ton pays et pourtant tu es bien pris en charge.
Ses premières pensées
Ça va un peu vite, la douleur te prend tout de suite. Après tu penses au tournoi, là c’était un Challenger, on pouvait se qualifier pour un Masters. Tu penses au fait que tu pouvais rapporter des points à la France pour les JO. Pleins de trucs te passent par la tête. Tu te dis qu’il y a la saison qui arrivait en 5×5, je m’étais engagé avec Souffel. J’étais censé aller en équipe de France aussi. Après, tu prends un peu plus conscience du truc.
Je pense en premier à ma meuf et mes parents. On a un groupe tous ensemble j’ai envoyé un message pour dire que j’allais bien. Je me suis fait le genou mais j’allais bien, je n’étais pas mort. Il y a quand même pire dans la vie. Mes parents ont vu le match en live. C’est casse-couilles, ça reste la blessure type du basketteur mais j’ai attendu 34 ans pour me faire une grosse blessure. J’ai eu des grosses entorses mais en général sur les fins de saisons, avec maximum un mois d’indisponibilité. Je ne suis pas fataliste, ça va me permettre de passer du temps avec ma famille.
J’étais à fond avec les gars, je savais qu’ils pouvaient aller loin (ils s’arrêteront en ½ finale ndlr). J’ai fait tous les examens le matin et les gars avaient shooting et tout le matin. Après je les ai rejoints pour les encourager juste derrière la chaise et apporter un regard extérieur.
Retour en France et opération
Ensuite retour en France, à la maison. J’ai de suite été pris en charge par les kinés pour dégonfler, essayer de drainer un maximum la jambe en vue de l’opération. Je suis allé voir le médecin pour trouver un chirurgien et une date d’opération. Et puis viennent les premières séances de kiné pour garder un peu de tonicité dans le quadriceps, c’est ce que demande le chirurgien avant l’opération de ce type de blessures. En ce moment c’est kiné tous les jours et à la maison c’est genou glacé avec petits pois, jambes en l’air, bas de contention.
Je n’appréhendais pas l’opération (effectuée le 5 septembre à la clinique de l’Orangerie à Strasbourg ndlr), c’était nouveau pour moi. Mais j’étais relativement serein, beaucoup de gens se sont fait les croisés. Quand t’arrives le matin, tu te retrouves tout seul dans ta chambre avant qu’ils viennent te chercher. Il y a des moments où tu te poses des questions, « qu’est-ce qui va se passer ? ». Et puis en fait ils t’habillent, ils viennent te chercher, ils te parlent un petit peu et puis après on va au bloc, la piqure pour ne pas avoir trop mal au genou.
« Si vous deviez faire un 1vs1 contre quelqu’un ce serait qui, Michael Jordan ? » un infirmier juste avant l’opération
Une fois au bloc on te parle 5 minutes, on te dit « à tout à l’heure » et puis je me réveille dans la salle de réveil je me dit « c’est bon c’est passé, j’ai rien senti ». Juste avant l’opération ils m’ont bien expliqué comment ils allaient m’infiltrer le produit et ils commencent à discuter pour faire diversion. Ils m’ont dit « et sinon niveau basket vous en êtes où ? Si vous deviez faire un 1vs1 contre quelqu’un ça serait qui, Michael Jordan ? ». Moi j’ai dit nerveusement « ouais ouais c’est ça » et après je me suis endormi.
Premières perspectives
Je sais que ça va être long mais je suis prêt à endurer ça. Là j’ai les cannes pendant quelques jours, j’ai commencé le kiné le 7 septembre avec bottes de compression et la machine qui te compresse le genou. Vu qu’il y a eu la réinsertion de la racine ils m’ont dit de ne pas aller trop loin avec la machine, de rester à une flexion du genou à 90°.
« J’ai attendu 34 ans pour me faire une grosse blessure » Sylvain Sautier
En termes de date j’en sais trop rien. De ce que le chirurgien m’a dit au tout début, je pourrais rejouer au basket sans opposition à partir de janvier. Certes il me dit ça mais comme je lui ai dit ça dépend de comment je digère l’opération, comment ça cicatrise. J’aimerais bien revenir sur la compétition en mars. Mais il y aura plein de paramètres. Je vais surement aller à Clairefontaine une première fois d’ici un mois, puis une deuxième fois en janvier ou février. J’ai eu beaucoup de messages du staff médical ou juste de la fédé, du bureau, des coaches.
Je suis aussi contrat depuis le 1er août à ASA (en N2 ndlr). Ça reste un club qui a compté pour moi, ils ne m’ont pas laissé tomber. Je les suis dans la prépa et dans la saison. Je pourrais peut-être reprendre la fin du championnat avec eux en fonction. »
Dans le prochain épisode : s’occuper, se former, pour optimiser le temps
Propos recueillis par Thomas Palmier.