Leurs passeports sont pleins. Leurs jambes aussi. Les joueurs de 3×3 Paris, première équipe professionnelle française de la discipline, ont vécu une saison à rallonges. Elle n’a pas commencé au Lite Quest de La Rochelle fin février, premier tournoi de la saison. Elle a débuté de longues semaines auparavant par une préparation physique titanesque qui porte ses fruits en cette fin de saison. Ils ont fait plusieurs fois le tour du globe, ont alourdi leur bilan carbone mais ont vécu une incroyable aventure.
C’est long, une saison de 3×3. De février à décembre, les joueurs de Karim Souchu en ont bavé. Qu’elle semblait loin cette qualification pour Jeddah le 1er juillet, au soir de leur élimination en phase de poules du Masters de Marseille. Longtemps les Français ont manqué d’expérience, battus un nombre incalculable de fois dans les dernières secondes des matchs.
Mais le 3×3 est ainsi fait que quelques jours après un triste moment survient une joie immense. 22 juillet à Bordeaux, les trublions du circuit remportent le premier Challenger de leur histoire. Le déclic. Ils enchainent les podiums (Québec, San Juan, Goa) et valident leurs efforts par un premier sacre en Masters, à Wuxi en Chine.
Ces gars-là ne sont pas juste des petits chanceux invités de dernière minute à la table des grands. Jeudi, ils vont tenter d’intégrer le tableau principal de la finale mondiale. Impensable il y a encore quelques mois mais mérité sur les dernières semaines. Ils vont devoir passer par le barrage qualificatif. Sur leur route, San Juan (Porto Rico) et Jeddah (Arabie Saoudite). 3 équipes, 1 ticket. Pour rejoindre Ub, Miami, Amsterdam et les autres cadors, Paris en connaît le prix. Pas 4€, Mme Pécresse, mais plutôt une bonne dose de sueur, une défense de fer et des shooteurs en feu.
Ces derniers mois, le 3×3 français s’est beaucoup focalisé sur les performances de ses dames. A juste titre tant le collectif féminin brille avec un titre de championnes du monde 2022 et une deuxième place sur le circuit cette saison. Mais il serait temps de braquer les projecteurs sur Vincent, Franck, Jules et Paul. Certes ils performent moins, donc sont moins mis en valeur. La logique est implacable. Leurs deux titres à Bordeaux et Wuxi, doublé inédit dans le 3×3 français, n’ont pas eu la résonance qu’ils auraient dû avoir. Espérons que la finale mondiale permette enfin à cette équipe d’émerger dans le paysage.
Ce groupe s’est construit dans un certain anonymat, dans l’ombre des filles. La surprise n’en sera que plus belle pour tous ceux qui ne sont pas encore montés dans le train. Pourtant, ni le manque de reconnaissance ni les blessures à répétition (Vialaret, Djoko, Rambaut) ont empêché les Français d’être à Jeddah. Grandir caché, Paris s’en est accommodé sans trop avoir le choix. Les coéquipiers de Franck Séguéla ont vite compris qu’il fallait se réfugier dans le travail. Un à un, ils ont abusé du poncif préféré du sportif professionnel : « on travaille dur, ça va finir par payer ». Leur fin de saison en boulet de canon leur donne pour le moment raison. Pour le moment.
Il serait bien dommage de penser que l’exercice 2023 de 3×3 Paris s’est achevée à Wuxi. Ils ne sont professionnels que depuis un an et demi. Ils bouclent leur toute première saison pleine sur le circuit et pourtant ils peuvent y croire.
Ils ont tout pour prolonger le plaisir, le leur et le notre. Grâce à eux, on la connait par cœur la chaîne Youtube « FIBA 3×3 ». Grâce à eux et leurs matchs à l’autre bout du globe, on savait quoi regarder en rentrant de soirée. Grâce à eux, on redécouvre avec gourmandise la discographie de Goldman, dont l’un des titres est leur musique d’entrée.
On a suffisamment parlé de Stojacic, de Jong ou Fredette. Parlons de Vincent Fauché et son coup de rein diabolique. Dissertons sur la magie balle en mains de Paul Djoko. Arrêtons nous sur le sang froid de Franck Séguéla. Débâtons sur Jules Rambaut et ses buzzer beater inattendus. Parlons de ces p’tits gars qui dans quelques heures vont enfiler pour la dernière fois de la saison le maillot siglé « PARIS ».
Ils ont deux jours pour écrire sinon un chapitre au moins une belle page de l’histoire du basket français. Le stylo clinquant est posé là, sur la table, à côté du livre. Tout est prêt, il ne manque qu’eux. Pour la dernière danse de la saison, ils ont sorti leurs plus beaux habits. Eclatez-vous, riez, profitez, jouez : ça ne marchera que comme ça.
Pour nous à des milliers de kilomètres, il est l’heure de s’assoir. Le gong a retenti. La grande messe annuelle du 3×3 mondial va démarrer. Une équipe française s’y est pour la première fois engouffrée, raison de plus d’en profiter. Messieurs de 3×3 Paris, c’est votre tour !
Thomas Palmier